RÊVE vs. RÉALITÉ , ou vice-versa

 

PRÉAMBULE

 

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Notre cher Petit Larousse Illustré décrète ceci :

« Réalité : ce qui existe en fait par opposition à ce qui est imaginé, rêvé, fictif. »

Par ailleurs il formule trois acceptions pour le mot Rêve :

1) production psychique survenant pendant le sommeil.

2) représentation, plus ou moins idéale ou chimérique, de ce qu’on veut réaliser, de ce qu’on désire.

3) on a peine à le croire réel, irréel.

Je laisserai ici de côté la question de la réalité du rêve, comme celle de ses différentes significations, mon propos concernant l’homme dans sa nature sensible et poétique.

Cependant, je ne résiste pas au plaisir de citer deux phrases du physicien Bernard d’Espagnat, pionnier d’une vision non-mécaniste et non-matérialiste du monde. Il fut lauréat en 2009 du prix TEMPLETON qui récompense le progrès de la recherche dans le domaine des réalités spirituelles.

« La physique actuelle pense pouvoir affirmer avec assurance que si le fond des choses existe, il n’est en rien comparable à notre expérience au niveau macroscopique. De sorte qu’aux yeux des physiciens la notion même de matière est en train de devenir au moins aussi nébuleuse que ne l’est, à ceux de certains neurologues, celle d’esprit.»

 

 

RÊVE vs RÉALITÉ

 

 

 

J’ai choisi deux « contes véridiques » pour porter cette interrogation vieille comme le monde.

Deux récits pour mettre en évidence les confins.

Car je crois que les confins sont au cœur de toute création, littéraire en particulier, sorte d’espace-temps dilaté ou bien rétracté, toujours autre. La poésie, mère, source et justification de notre Compagnie, n’appartient-elle pas aux confins ? Toujours ?

La réalité que nous voyons, que nous visitons, que souvent nous admirons, — monuments et architecture, jardins et parcs, œuvres d’art, objets de notre société — est presque toujours le fruit du rêve de l’homme. D’un rêve devenu réalité.

Certains hommes ont pensé et pensent encore que notre terre, le vivant, le cosmos, les univers, en un mot le grand tout et la totalté de la vie sont le réve de Dieu devenu réalité.

La plupart des hommes construisent leur vie en élaborant des projets puis en leur donnant corps. Il en est ainsi des individus, des groupes d’hommes, des sociétés, des pays, sur tous les continents.

Enfin il y a ces voyages que l’on fait la nuit, le jour — ou parfois éveillés — vers des contrées mystérieuses, des situations étranges ou bien connues, rêves qui nous font plonger dans des réalités si tangibles que l’on en revient bouleversés. De tout temps les humains ont cherché le sens de ce qu’ils avaient rêvé, l’ont manifesté depuis les plus anciennes peintures rupestres, ont voulu trouver la signification de cette « autre réalité » et l’interpréter pour y découvrir des messages.

Mais d’où viennent les rêves ? Le mécanisme de leur apparition, comme les raisons de leur absence, demeurent inconnus. Il a été établi que si l’on empêche méthodiquement un homme de rêver celui-ci finit par perdre la vie.

Nous acceptons volontiers que nos rêves rêvés soient flottants, irrationnels, décousus. Qu’ils puissent échapper à notre mémoire. Il n’en va pas de même avec la réalité que nous catalogons comme solide, précise, descriptible, parfois reproductible.

Et pourtant elle est captée par nos sens, limités par définition : les espaces au-delà et en-deçà restent un mystère dont nous ne percevons rien. La science elle-même rend chaque jour les limites de la réalité plus incertaines.

Cette incertitude-là est fascinante. Il arrive qu’elle fasse irruption dans notre vie et dissolve les frontières. « On pense alors : personne ne va me croire ».

Ces moments de vie-là sont indélébiles. Ils appartiennent aux confins. J’en ai choisi deux. Le premier a pour nom NEMRUT DAGH .

 

 

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Par cette arête coupante du froid qui précède juste le lever du jour, ma femme, nos enfants et moi nous nous tenons serrés. Nos jambes pendent du muret de la terrasse Est où — assis, immobiles et muets, toute pensée abolie — l’imensité de l’espace se déploie, par-delà la pente abrupte qui plonge sous nos pieds vers l’obscurité.

Absolue beauté de la lumière qui naît sur cet horizon que le Nemrut Dagh surplombe de plus de deux mille mètres. Au loin, le Tigre et l’Euphrate se rejoignent. Plus loin encore le grand delta, Ur, la naissance de l’écriture, pense-t-on, voici six mille ans.

Devant le mouvement imperceptible mais vif de la lumière, seule la mince vapeur de nos respirations silencieuses atteste notre éveil, à peine engourdis sous les lourdes couvertures de muletier qui sentent le suint et râpent les joues ...

Puis la gloire du soleil, sa chaleur qui touche le visage, les paupières, les lèvres, instantanément. Rien n’arrête plus le regard jusqu’à l’horizon où la terre et la poussière se dissolvent dans une brûme bleutée, poudrée d’ocre et d’or.

Il y a, bien sûr, le jeu des premières collines dont les arêtes, les arrondis coulent vers les amples vallées.

Il y a sous nos pieds la pente qui dévale, brune, parsemée de pierres grises, de touffes de buissons secs, d’épineux verts.

Il y a le vent de l’aube, dont le souffle peu à peu décroît avec le soleil. Il y a ...

Là, imprécis, ténu, porté par le bruissement même du vent, comme une clochette irréelle, ting ... ting ... On écoute ... ting ... ting ... Cela vient du fond, droit en-dessous, encore dans l’ombre, ting ... ting ... Cette fois c’est net, plus proche. Un homme grimpe, presque à la verticale, un chemin zigzagant de chèvre. Il passe la ligne du soleil : un reflet de métal doré étincelle devant lui, ting ... ting ... On peut voir maintenant son visage, jeune, buriné, moustaches et poil noirs, un sourire large, le mouvement régulier de sa main droite où deux petites timbales de cuivre s’entrechoquent à intervalles précis, ting ... ting ... Le vendeur d’eau.

Voilà que s’accomplit cette sorte de prodige qui n’appartient qu’aux déserts, aux steppes, aux montagnes arides, « à mille milles de toute terre habitée ». Il est juste cinq heures. Derrière nous la pyramide de pierraille qui recouvre le tombeau inviolé d’Antiochus Ier et son rêve inassouvi d’Orient et d’Occident. Descendant de Darius et d’Alexandre, le roi de Commagène a fait araser le sommet de la montagne, puis construire deux terrasses, à l’Est, à l’Ouest, identiques, supportant les sept principaux dieux du panthéon perse et grec : statues colossales, rongées par le gel et les vents, dont les têtes, veinées par l’érosion, ont roulé loin des corps assis, dans un chaos de pierres taillées, d’effigies d’animaux mythologiques à demi-brisées. Et les têtes géantes des dieux, ravinées, éclatées par endroits, Antiochus Ier les a toutes voulues à la ressemblance d’un seul personnage : lui-même.

Entre la beauté sauvage des pierres sculptées à la fois par le rêve débridé d’une mégalomanie synchrétique et par les vents et sables des steppes de la Perse, et l’ineffable beauté d’une aube d’Orient, voici le miracle du sourire au regard vif du vendeur d’eau. Portée par les grandes lames du passé et de l’histoire, la pure et fragile simplicité de l’instant présent.

Aujourd’hui, quarante ans plus tard presque jour pour jour, je m’interroge sur ces instants que je qualifie de « magiques » sans même y penser. Je m’interroge sur ces rêves croisés qui échappent au temps et à l’espace.

Le rêve de cet Antiochus Ier, dit Théos Dikaios Philorhomaios Philhellène, qui règna sur le royaume de Commagène — au centre-sud de la Turquie — de 69 à 40 av. J.C. et tenta de conserver son indépendance vis à vis de Rome. De mère Séleucide, de père Achéménide, il a sans doute, comme Darius, comme Alexandre, comme cet autre Antiochus Ier, dit Sôter, avant lui, rêvé ce rêve démesuré d’Occident et d’Orient fusionnés.

Puis le rêve, que chacun de nous a développé en gravissant le Nemrut Dagh dans la nuit et le froid, après s’être réchauffés à la soupe de riz, de thym, de thé noir et au feu de bois, dehors, devant cette cahutte posée sur un méplat de la pente. Rêve surgi de sensations entremêlées : espace et mystère, noir profond de la nuit sans étoiles, présence puissante d’un lointain passé inconnu vibrant sous nos pas hésitants dans la pierraille ... Rêve ou réalité ?

Et mon propre rêve ... alors que j’écris ces lignes et que sonne à nouveau le ting ... ting ... du vendeur d’eau porté par ce vent qui faisait aussi chanter les épines des buissons ...

Alors que les images déroulent à nouveau devant mes yeux toute la gloire des couleurs de cette aube-là, unique et pourtant universelle, alors que les odeurs de la poussière et du thym sauvage à peine couverts par le froid me saisissent encore et me font trembler.

Je m’interroge.

Nous sommes aux confins de l’attente. Semblables à ceux du Rivage des Syrtes, du Désert des Tartares, de Salammbô. Les confins du temps et de l’espace. Les confins du rêve.

Quelle attente ?

Le second moment indélébile se nomme SIEM REAP .

 

 

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C’est une petite ville du Cambodge, toute proche des ruines d’Angkor. C’est là qu’habiterait Sidhar le frère ainé de mon ami Sothy Tan.

Leur père était gouverneur de la province et dès 1975 les Khmers Rouges l’avaient torturé à mort. Pendant quatre à cinq ans Sothy avait tenté de suivre les allées et venues de ses frères et sœurs et cousins jusqu’à leur disparition systématique. Depuis dix ans, rien. Aujourd’hui il n’osait pas vérifier la rumeur qui lui était parvenue lors d’un congrès scientifique selon laquelle son frère ainé et sa mère étaient en vie.

Je suis donc à Siem Reap pour visiter Angkor ... surtout pour retrouver Sidhar Tan.

Je suis à Siem Reap avec trois membres de la délégation, les seuls qui aient osé braver ce vol incertain dans un petit avion déglingué et voulu visiter Angkor malgré les mines anti-personnelles, la chaleur moite, les insectes et les bruits colportés sur la présence des sympathisants de Pol Pot.

Je suis à Siem Reap avec les cent dollars de Sothy pour son frère, les photos de lui, de sa femme et de leur fille arrachées à grand-peine.

Je suis à Siem Reap avec un nom et une adresse écrits en khmer sur un bout de carnet.

C’est le soir. Personne ne semble ou ne veut connaître Sidhar Tan. Le patron du restaurant est silencieux. Je l’observe tandis que tout le monde parle de la beauté des temples, de l’interminable et brillant monologue de Sihannouk durant notre audience de la veille. Un vieil homme au regard intérieur ce patron, je m’approche de lui, il parle parfaitement le français, je lui raconte l’histoire de Sothy — sans doute c’est aussi son histoire —, il me dit : « Je sais ».

Au milieu des conversations je quitte la délégation sur une moto pilotée par un aide de cuisine. Nous tournons dans la petite ville mal éclairée parmi les fondrières que la pluie journalière de la pré-mousson a remplies en fin d’après-midi. Flaques de boues, terre molle, la moto qui peine dans la nuit. Puis un bout de trottoir éclairé par une sorte d’échoppe ouverte sur la rue avec un rideau métallique, trois ampoules qui pendent du plafond, deux hommes, cinq ou six femmes, une bande d’enfants, la misère, c’est là.

« — Sidhar Tan ?

   — Oui, c’est moi.

   — Je viens de la part de Sothy. »

Il me regarde. Il ne comprends pas. Il a les yeux voilés, le visage amer, il est maigre et vieux comme la souffrance, il fûme et ses joues émaciées un instant se gonflent.

Les femmes sont très jeunes, les enfants petits, serrés les uns contre les autres le regard fixé sur moi, j’entends des murmures à voix basse et rapide, tout cela est flou, je me concentre sur Sidhar et répète :

« — Sothy, votre frère. Votre frère Sothy qui est en France. Je viens de France. C’est Sothy qui m’envoie.

   — La France, ah ! Sothy ... »

Il sourit et je ne sais pas ce que signifie ce sourire. Il se met à parler aux femmes, les enfants regardent les yeux écarquillés.

Sidhar revient vers moi en titubant. L’autre homme, très jeune, le soutient. Les yeux mouillés, il m’interroge :

« — Demain, pouvez-vous revenir demain après-midi ?

   — Bien sûr. »

Nous nous serrons la main, le groupe des femmes est moins compact, deux enfants ont filé dans la rue, la radio que je n’avais pas entendue jusque-là chuinte et grince.

Le lendemain il ne fait pas encore nuit. Une seule pièce rectangulaire de dix mètres sur cinq environ qui ouvre de toute sa largeur sur le trottoir, séparée en deux par un rideau lisse en voile noir semi-transparent. Derrière le voile on devine des masses sombres contre le mur du fond, vieux fourneau, évier en pierre, des meubles, au centre un châlit entouré d’une moustiquaire où se tient la Mère.

Cette fois la Mère est dans la pièce de devant, calée dans un vieux fauteuil, amarrée au dossier, vêtue de blanc.

« — Je suis content de vous voir, dit Sidhar Tan. Vous venez de la part de Sothy, n’est-ce pas ? De mon frère ?

  — Absolument. Je travaille dans le même laboratoire. Nous sommes amis. Il m’a donné quelque chose pour vous. »

Je lui remets l’enveloppe contenant la lettre de Sothy et l’argent. Il lit et ses mains tremblent. Il fait passer la lettre.

Ils sont plus nombreux qu’hier. Debout, assis, des enfants dans les bras. Ils m’ont fait asseoir sur une chaise, devant la Mère. Elle ne bouge pas, absolument pas. Ni des membres ni du visage. Elle me fixe sans me voir, elle semble n’avoir qu’un regard blanc tourné vers sa douleur. Sidhar lui parle à l’oreille, lui montre la lettre. Elle est immobile, de glace dans la moiteur suffocante. Je lui présente alors les photos de Sothy.

Dans un silence subit, si dense que mes oreilles se mettent à bourdonner, sans que le moindre frémissement ne l’ait annoncé, deux larmes s’échappent des yeux vides de la Mère, puis deux autres : elles coulent le long du nez sur ce visage totalement ridé, totalement statufié, totalement muet, au coin des lèvres et sur le menton puis disparaissent dans les plis de sa jupe blanche.

De la voir pleurer, personne ne respire plus. Les enfants se sont tus. L’immobilité est épaisse, les bruits même de la rue ont disparu, la vieille pleure de joie de savoir son fils vivant. Ce corps inerte, cette pensée atone, ce visage moribond subitement re-vivent par la grâce de quatre larmes qui font briller deux prunelles vides.

Maintenant les photos passent de main en main. Tout le monde rit, parle en même temps. Les enfants ont repris leurs courses, leurs jeux, leurs cris. Sidhar me présente chacun, et les enfants de chacune. Deux maris sont là, les autres travaillent loin. Je prends des photos de tout le monde, de la Mère, pour Sothy. Son frère me remercie en aparté, me dit que les cent dollars lui assureront l’année, m’offre à boire. Il est triste et digne Sidhar, malgré l’alcool dont il use. Il se sent perdu, sans possibilité dans ce pays brisé, meurtri comme lui-même. Trois verres ont suffi pour que son regard se trouble, brusquement il se lève, prend le dernier-né, me le met dans les bras.

« — Prends-le, emmène-le avec toi, emmène-le dans ton pays, lui au moins sera sauvé ... Qu’il y en ait un ... Si tu ne veux pas le garder tu le donneras à Sothy ... Emmène-le, oui, emmène-le, je t’en supplie ... »

Mon sang s’est figé. Le bébé est chaud et doux. Il me regarde confiant. Je lui caresse du doigt la joue et le menton, il me sourit : ses lèvres sont dessinées comme celles des statues khmer. Je sens son poids.

La Mère a les paupières serrées. Je suis assis devant elle, ce bébé calme sur moi. Mille images défilent devant mes yeux. Dans ce cyclone d’émotions je ne sais plus ce qu’il faut faire, ce qui est juste, je ne sais plus rien. Mon Dieu, aidez-moi. Toi, Marcel, mon grand ami, qu’aurais-tu fait là, maintenant, à ma place ? Qu’aurais-tu dit ?

Ils sont tous à me regarder, même la Mère aux yeux clos, tous à attendre, peut-être à espérer. En quelques secondes ont défilé pêle-mêle devant mes yeux : notre ambassadeur, la police cambodgienne, le roi Sihannouk, les deux douanes, l’arrivée en France, le voyage, le parlementaire français responsable de la délégation, le vol d’enfant présumé, et ... ce bébé brutalement loin de sa langue, loin des bras caressants et des tendres sourires, loin des autres enfants chahuteurs ...

Je me suis levé, l’ai rendu délicatement à une jeune mère qui s’est avancée, je suis resté debout un temps indéfini, un voile a brouillé le souvenir de ce moment terrible. Le bébé a gazouillé, la tension s’est allégée. Il m’a semblé que le sens précis du discours en français de Sidhar avait échappé à la plupart.

La Mère a ouvert les yeux et m’a fixé. Simultanément il y a eu comme un soupir, les bavardages ont repris dans cette douceur khmère si apaisante, interrompue par une simple parenthèse.

Je ne sais plus quels sont les mots qui me sont venus. Les autres ont peut-être cru à un geste de confiance et d’amitié de la part de Sidhar, ou bien m’en suis-je alors persuadé pour pouvoir m’en aller, pour échapper au regard de la Mère, pour me dégager de ce poids opaque qui plombait mon corps et mon esprit, que je ressens encore aujourd’hui vingt-cinq ans plus tard. Pour fuir mon impuissance et me libérer du remords.

Je m’interroge : ai-je rêvé cet épisode de ma vie ? Me suis-je bien pincé en cette fin de journée-là, à Siem Reap ? Avais-je seulement la capacité d’entrevoir la réalité de la vie de Sidhar Tan ? Et quant à ses rêves ? À ceux de sa Mère, à ceux des jeunes mères au sourire d’Apsara ?

Une fois de plus nous voici aux confins du rêve et de la réalité. Sans doute comme la vie même.

 

 

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Il est possible de s’interroger à l’infini.

Autour de Siem Reap et de Sidhar Tan flottent également les rêves de Sothy son frère, du roi Sihannouk, des Khmers Rouges, des bâtisseurs d’Angkor Suyavarman II et Jayavarman VII qui recouvrit d’or les tours du fameux temple du Bayon. Dernier grand roi d’Angkor, enttre 1181 et 1219, il créa la nouvelle capitale d’Angkor Thom, un million d’habitants sur plus de mille Km2, la plus vaste cité du monde pré-industriel.

En contrepoint, l’impitoyable réalité de la vie quotidienne d’un rare survivant, Sidhar Tan, l’horreur de l’extermination d’une génération ou davantage.

 

 

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Autour du Nemrut Dagh flottent les rêves d’Antiochus, de ses ancêtres et descendants, mais aussi, depuis notre ascension, ceux de chacun de nos enfants, de ma femme, du vendeur d’eau, du muletier, de moi-même. Et de tous ceux qui sont passés là, avant et après nous.

Rêves qui naissent en l’homme puis sont portés, vivants, devenant alors réalité ; rêves qui imprègnent, qui grandissent ou meurent, se transforment, se mêlent à d’autres rêves : bientôt rien ne distingue plus le rêve du lieu de celui de l’homme, la réalité du lieu de celle de l’homme, les frontières entre le passé, le futur, l’instant présent du rêve se sont volatilisées. Et qu’en est-il des limites entre le passé, le futur et le présent de la réalité ?

Car je suis bien le même et bien vivant dans mon rêve rêvé, comme au cœur de mon rêve vécu et comme au centre de ma vie rêvée / vécue : sortilège de l’instant présent.

La substance des rêves a-t-elle plus de consistance que celle de la réalité ? Quelle importance, au fond, du moment que l’on parcourt avec bonheur ce fil dont est tissé en partie notre essence profonde, et dont est tissé aussi l’étoffe des rêves vs. l’étoffe de la réalité, ou vice versa ?

 

 

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