"Le Passeur", c’est l’histoire de Juste à travers le temps, fils de Rose, provençale et de Modeste, venu des rives du Danube, responsable d’une écluse dans le Midi de la France. Né entre les deux guerres mondiales, Juste sera "passeur" de résistants vers l'Espagne. "Passeur" d'images et de connaissances lorsqu’il deviendra journaliste puis enseignant, Juste poursuivra inlassablement sa quête, ici ou là, et enfin au coeur de lui-même.
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« Il s’agit de frontières, frontières extérieures et frontières intérieures à l’être humain, dont la plupart ignorent même l’existence, qui, transgressées, conduisent à la folie ou à l’éternité.»
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« Car le fil du cercle abolit le temps, ainsi la perle de rosée au bord d’un pétale, le givre sur la toile d’araignée, le vent et la mer, la lune et la pluie.»
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Elle décida de lui apprendre la lune. Il décida de lui poser sa deuxième question. Il observait la terre et le jour. Le ciel et les nuages avaient peu de secrets pour lui. Mais il ne connaissait ni les étoiles, ni la Voie lactée, ni la lumière de la nuit. Elle lui enseigna la magie du ciel nocturne, la fausse froideur de la clarté laiteuse de la lune qui masque le mystère de la puissance qu’elle exerce sur la terre, sur les océans, sur tous les êtres vivants et sur ceux qui sont à naître, cette trompeuse clarté lunaire qui dérobe les contours, crée des masses et des espaces noirs, dessine des volumes vides, génère des ombres fausses. Il l’écoutait avec ferveur, pupilles dilatées, le désir battant à ses tempes.
Chapitre : Marguerite - Page : 66 - Editeur : Le Rocher – 2008
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Peu de temps après, Juste était revenu au petit port catalan. Il s’était laissé pousser les cheveux et la moustache par prudence, avait adopté une allure et des vêtements plus
simples, plus paysans. Dans l’intervalle, l’aspirant Moser avait été abattu à la station Barbès-Rochechouart.
« Je t’attendais », lui dit Fleur, le visage grave et
ce sourire profond dans les yeux.
Comment aurait-il pu oublier son regard ? Il n’avait cessé un instant de penser à elle, il sentait bien qu’il lui manquait aussi.
Chapitre : Fleur - Page : 49 - Editeur : Le Rocher - 2008
S'aventurer dans les pages du 'Passeur', c'est se plonger dans l'histoire d'une vie, celle de Juste, fils et petit-fils d'éclusier, devenu résistant pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est s'immerger dans les affres d'une passion, dans les aléas d'un amour aussi sublime que dévastateur. Lire 'Le Passeur', c'est aussi pénétrer un destin singulier, suivre la trajectoire d'un être en recherche constante de sens et qui, toute sa vie durant, ne fera jamais que passer - jusqu'à son accomplissement. Porté par les vibrations d'une langue épurée, le texte émeut autant qu'il questionne. La singularité du récit confine à l'universel et résonne en chacun avec force et éloquence. Certains passages sont proprement bouleversants, chargés d'une vérité qu'on dirait puisée dans l'origine secrète de l'humanité. Car le récit dépasse le champ du romanesque et de la quête existentielle : dans la contemplation, dans la grâce de l'instant, il se fait expérience mystique, quête du divin. Lancinante mélopée de mots et de silences, 'Le Passeur' est avant tout un chant poétique, la célébration vibrante du lien qui unit les êtres par-delà le temps et l'espace, au-delà des frontières de la vie et de la mort. Avec justesse, il dit l'harmonie du cosmos, la communion miraculeuse de l'homme et des éléments. Une formidable parabole.